L’équipe de France a rendu une très bonne copie lors des championnats du monde disputés du 6 au 12 novembre à Grenade. Avec un total de onze médailles, dont trois titres, les Français ont marqué les esprits lors de ce dernier rendez-vous planétaire avant les Jeux de Paris 2024. Troisième nation mondiale, derrière la Corée (8 médailles d’or) et la Pologne (3 médailles d’or), la France va devoir entretenir la dynamique collective actuelle qui a permis notamment aux plus jeunes de bien entrer dans le bain international. Roza Soposki, la cheffe de délégation France handisport, tire les premiers enseignements de cette belle semaine espagnole.

Avec cinq finalistes et trois titres en individuel, l’équipe de France a égalé la performance réalisée aux championnats du monde 2002 à Taïwan. La statistique prend toute son importance quand on sait combien le niveau a augmenté et combien aujourd’hui il est difficile d’entrer dans les critères de sélection d’un championnat du monde. Et si l’absence de la Chine a ouvert la possibilité aux autres nations de s’octroyer des médailles, notamment en fauteuil féminin, le bilan français, lui, aurait sans doute été assez proche de celui qu’il est ce jour.

Roza Soposki, comment qualifier les résultats des Français lors ces championnats du monde ?
C’est un très bon bilan. Pas exceptionnel mais très bon. En effet, nous avons commencé timidement, où nous espérions mieux que quatre médailles de bronze. En revanche, les résultats en simple sont extrêmement satisfaisants. Nos deux objectifs sont atteints : nous avions annoncé dix médailles, on en compte onze à l’issue de ces championnats. Et on espérait entre une et trois or, on en a trois, avec une quatrième qui nous échappe pour un point. C’est un très bon tir groupé.

« Ne pas s’endormir sur nos lauriers »

Comment garder cette dynamique et encore s’améliorer d’ici à Paris 2024 ?
Il faudra surfer sur ces bons résultats. Nous allons dresser un bilan individuel avec chaque sportif et le staff. Le staff va se retrouver sur un week-end en décembre afin de décortiquer cette saison, ces championnats du monde et leur préparation et de fixer le projet sportif pour 2023. Définir la stratégie sportive. Il va d’abord falloir se remettre en question, bien voir ce qui a fonctionné, là où ce ne fut pas bon et moins bien. On va revenir sur notre fonctionnement, celui des stages… Remettre au point une stratégie sportive individuelle quand on aura les critères de qualification pour Paris.

Ensuite, il ne va pas falloir s’endormir sur nos lauriers. On a validé l’étape des championnats du monde mais ce n’est pas une fin en soi. Ce n’était qu’un point de passage sur le chemin menant à Paris. Il faut savourer, profiter de ce temps de célébration pour les sportifs. On va repartir dès janvier avec une saison hautement importante avec l’Euro 2023 et la qualification pour les Jeux en ligne de mire.

Les tableaux à élimination directe peuvent-ils vous induire à changer votre perception quant à l’approche mentale, si les sportifs sont volontaires ?
Oui. L’accompagnement mental doit être une volonté du sportif. Spécifiquement, sur ce changement de règlement, la préparation mentale, on l’intègre dans les situations d’entraînement que l’on propose (travail de début de set, fin de set…). On peut encore progresser sur ce point parce que c’est nouveau et commencer par les doubles est différent de ce que à quoi on avait l’habitude. On a peu de recul sur des épreuves de doubles. On doit avancer sur l’approche de ces compétitions pour être meilleur. On a en effet le potentiel pour être très bon en double.

L’autre satisfaction est de voir des jeunes, comme Alexandra Saint-Pierre et Lucas Didier, pour ne citer qu’eux, à ramener des médailles en simple ?
C’est la grande satisfaction de cette saison marquée par l’émergence de beaucoup de jeunes. Entre Londres et Rio, Matéo Bohéas était le seul nouveau, tout comme Clément Berthier, entre Rio et Tokyo. En neuf ans et deux Jeux, on n’a présenté que deux nouveaux sportifs. C’est extrêmement maigre. A Paris, on a la perspective de voir Alexandra (Saint-Pierre), Flora (Vautier), Lucie (Hautière), Morgen (Caillaud), Esteban (Herrault),  Lucas (Didier)… C’est assez énorme quand on connaît la difficulté pour faire émerger des nouveaux potentiels. On vit cela depuis quelques années en France. Mais cela vaut aussi pour les autres nations. C’est en lien avec la longévité possible dans ce sport et la maturité tardive.

Vous aviez mis en place pour avoir un staff étoffé (avec par exemple Éric Durand dédié à la relance). Cela a servi la performance ?
Oui, tout à fait. On souhaitait partir avec un staff performant. Éric Durand a passé ses journées dans la salle d’entraînement à échauffer tous les joueurs. Entre les 3 jours de regroupement et les Mondiaux, il n’a pas arrêté pendant 10 jours. C’est hyper important. Nous avions cinq entraîneurs qui ont permis une répartition raisonnable du nombre de sportifs à coacher. Ils avaient entre deux et quatre sportifs maximum à suivre. Cela leur permettait d’être concentré sur chaque sportif et de bien les accompagner. On veut vraiment développer des relations solides entre un coach et ses joueurs dans l’optique de Paris 2024. Ça commence dès maintenant.

La dernière pièce de cet excellent staff, c’est le paramédical. On est parti avec deux kinés et une infirmière. Les quelques soucis médicaux rencontrés sur cette épreuve ont été régulés parce que le staff paramédical a été génial, très impliqué et en lien direct avec ces bons résultats.

« On est champion du monde des tribunes »

La délégation française était la deuxième plus importante de ces Mondiaux avec 22 sportifs au total (FFH et FFSA). Ça a joué ?
Oui. On est champion du monde des tribunes. Et ça me tient à cœur. Ça fait partie de ma vision de choses en tant que manager, d’être capable de mobiliser un collectif, de mobiliser l’équipe de France qui plus est quand on est 17 et même 22 avec le Sport Adapté. En effet, sur nos finales respectives, tout le monde était dans les tribunes. Cette vie de groupe n’est pas toujours facile à appréhender parce que ça fait beaucoup d’individus mais le collectif a bien vécu. On sent que ça pousse derrière. On n’a pas entendu les Polonais lors de la finale de Fabien Lamirault. On a peu entendu les Thaïlandais ou les Norvégiens pour celles d’Alexandra et Thu. En dehors de l’aire de jeu, on est chez nous même dans les tribunes. Quand nos adversaires affrontent un Français, ils savent qu’ils auront la salle contre eux. On est la seule nation, avec le Brésil, à faire ça. On avait déjà tiré ce constat aux Jeux de Tokyo, ça s’est confirmé à Grenade.

Il s’agissait de votre première en solo comme cheffe de délégation. Difficile de mieux commencer ?
C’est vrai. Je vais encore apprendre jusqu’à Paris. Je vais me nourrir de toutes ces compétitions. Cette année, déjà, je suis allée sur tous les tournois, alors qu’avant je n’allais que sur les compétitions de référence. J’apprends de toutes ces expériences, des différents contacts avec les étrangers également. Plus globalement, je comprends mieux le système international et ça fait partie intégrante du jeu. Par exemple, il a fallu être bien vigilant à certains points de règlement qui pouvaient avoir une incidence sur le statut de têtes de série. Or, on a vu combien avec ce système à élimination directe, il est primordial d’être parmi les quatre premières têtes de série. Elles seules sont protégées. Bien comprendre tout ce système peut aussi aider à définir des stratégies collectives et individuelles (choix des tournois…).

Avez-vous pris du plaisir ?
Oui. Je fais ce travail parce que j’ai l’intime conviction d’être là où je dois être. Je me sens à ma place. Ce sentiment  n’a pas de prix. Et les émotions que je vis, quand par exemple, on a trois demi-finales quasi en même temps sont magiques. Je fais ce boulot là pour vivre de telles émotions.

LES MÉDAILLES FRANÇAISES HANDISPORT

Or (3)
Alexandra Saint-Pierre (classe 5).
Thu Kamkasomphou (Classe 8).
Fabien Lamirault (classe 2).

Argent (2)
Maxime Thomas (classe 4)
Thomas Bouvais (classe 8).

Bronze (6)
Lucas Didier (classe 9)
Matéo Bohéas (classe 10)
Caillaud-Kamkasomphou (Double dames 14)
Vautier-Saint-Pierre (double dames 7)
Bohéas-Bouvais (double hommes 18)
Berthier-Herrault (double hommes 14)

Les sportifs de la Fédération Française du Sport Adapté décrochent 3 médailles avec l’or pour Léa Ferney, l’argent pour le double Léa Ferney-Anne Divet et le bronze pour le duo Timothé Ivaldi-Antoine Zhao.

L’ENCADREMENT
Roza Soposki, Manager de la performance | Claude BardCoach | Guillaume Jean, Coach | Elodie Vachet, coach | Emmanuelle Lennon, Coach | Carole Grundisch, Coach | Éric Durand, Relanceur | Stéphanie Moronvalle, Kinésithérapeute | Michel Roux, Kinésithérapeute | Isabelle Ferber, Infirmière.